Ce qui nuit au secteur agricole du Nord de l’Ontario
Va-t-on sacrifier nos producteurs agricoles comme on l’a fait avec notre secteur manufacturier?
Le sprint final est amorcé pour conclure les négociations du Partenariat transpacifique (PTP), mais la conclusion à la hâte de cet accord commercial pourrait bien nuire au secteur agricole en pleine croissance du Nord de l’Ontario. Nos secteurs de production laitière et avicole, qui bénéficient d’une protection à l’heure actuelle, subiront immanquablement des pertes sous le régime du PTP. En effet, cet accord pourrait bien faire en sorte que le marché soit inondé de produits laitiers et avicoles bon marché, ce qui pousserait les exploitants locaux au bord du gouffre, les forçant ainsi à changer de type de production, ou à abonner carrément l’agriculture. Les répercussions d’une telle situation vont bien au-delà de la vitalité économique des familles ou des régions, et démontrent que la course pour conclure cet accord est susceptible d’embrouiller le jugement des négociateurs.
Il faut reconnaître que le système de gestion de l’offre ne protège pas tous les producteurs, mais il nous a tout de même permis d’approvisionner suffisamment la population tout en maintenant la rentabilité des exploitations agricoles. Le nombre de producteurs agricoles a considérablement diminué au Canada, mais ceux qui restent parviennent à répondre à la demande et à gagner leur vie. À présent, la production laitière est principalement concentrée au Québec et en Ontario. Dans le Nord de l’Ontario, les producteurs de bœufs et de produits laitiers comptent pour la moitié des exploitations agricoles. Cet accord commercial est donc susceptible de frapper nos agriculteurs de plein fouet.
Aux préoccupations à l’égard des exploitations agricoles s’ajoutent les conséquences pour notre sécurité alimentaire. Plus précisément, une fois que les produits d’importations auront anéanti notre capacité de production, qu’arrivera-t-il si leur prix monte subitement en flèche? On pourrait bien se retrouver avec des miettes et devoir tout recommencer à zéro. Je suis convaincue qu’à peu près tout le monde se rend compte qu’il est plus facile de protéger ce que l’on a plutôt que d’essayer de réinventer la roue, mais cela pourrait bien être ce que nous réserve l’avenir si nous ne réagissons pas.
C’est dans pareille situation qu’une confiance aveugle envers les retombées des accords commerciaux cause des problèmes. Nous concluons des accords qui mettent en péril un secteur au profit d’un autre. D’une certaine façon, ce sont les accords qui définissent les gagnants et les perdants, mais faut-il vraiment qu’il en soit ainsi? Lors des négociations en vue de la conclusion de l’Accord de libre-échange et de l’Accord de libre-échange nord-américain qui s’en est suivi, le cri de ralliement des partisans était « nous pouvons soutenir la concurrence ». Les opposants, pour leur part, ont soulevé des préoccupations à l’égard du prix à payer pour cette concurrence, citant comme motifs d’y penser à deux fois avant de signer ces accords les normes du travail et de l’environnement, de même que le risque que ces accords faisaient peser sur notre secteur manufacturier.
À présent que ces accords sont bien ancrés, nous ne pouvons que constater que notre assise manufacturière, avec ses emplois bien rémunérés, a été décimée. Il y a eu croissance dans le secteur de l’extraction des ressources, mais pas au titre des emplois à valeur ajoutée. Il y a également eu croissance dans le secteur des services, bien connu pour ses emplois instables et à petits salaires. Après tant d’efforts déployés pour devenir plus que des coupeurs de bois et des porteurs d’eau, nous sommes revenus à la case départ. Qui plus est, le boom des magasins à grande surface, dont les profits se retrouvent entre les mains d’investisseurs étrangers, a littéralement siphonné l’économie de nos collectivités. Voilà ce qui a résulté de cette notion de « nous pouvons soutenir la concurrence ».
En observant la situation en toute honnêteté, nous constatons bien que ce sont les grands producteurs, et non les fermes familiales, qui peuvent être ne mesure de soutenir la concurrence. Signer le PTP à la hâte sans réfléchir revient à enfoncer un clou de plus dans le cercueil des fermes familiales, ce qui serait déplorable et dangereux. Pourtant, la production locale est le meilleur moyen de garantir notre approvisionnement alimentaire. Ajoutons à cela que l’agriculture connaît un essor dans le Nord de l’Ontario par suite de la hausse des prix des terres agricoles dans le sud de la province, et que près de la moitié de nos exploitations agricoles actuelles font partie des secteurs du bœuf et des produits laitiers. Si nous abattons ce pilier qui soutient nos collectivités agricoles, cela risque de nous entraîner vers des années difficiles et nous n’en serons que plus pauvres et à la merci d’intérêts étrangers simplement pour nous nourrir. Pour toutes ces raisons, il serait prudent de ne pas signer le PTP à la hâte.