Projet de loi antiterroriste : trop important pour être adopté à la hâte

Députée NPD d'Algoma-Manitoulin-Kapuskasing Carol Hughes

Députée NPD d’Algoma-Manitoulin-Kapuskasing Carol Hughes

J’ai vu une caricature éditoriale intéressante où des ouvriers défont une maison pour construire une clôture. La clôture porte le mot « sécurité », et sur la maison, il est indiqué « vie privée ». Cela va droit au cœur du débat sur la nouvelle loi antiterroriste que les conservateurs tentent de faire adopter à toute vapeur pour détourner l’attention des Canadiens d’une économie qui va mal en mettant l’accent sur le terrorisme.

Personne ne nie l’importance de mesures antiterroristes efficaces, mais des propos catégoriques comme ceux que nous sert le premier ministre ne sont pas nécessaires. Conçue pour semer la division, sa déclaration selon laquelle « vous êtes avec nous ou vous êtes avec les djihadistes » est davantage motivée par l’approche de l’élection que par une quelconque volonté de mieux protéger les Canadiens. Dans son univers, le projet de loi C-51, la nouvelle loi antiterroriste, est une proposition à prendre ou à laisser. C’est encore un exemple de la manière dont il rejette le débat et du même coup le fondement même de notre système parlementaire.

Le projet de loi C-51 a fait l’objet d’une annonce à saveur électorale, à l’extérieur du Parlement. Pendant ce temps, les journalistes étaient réunis à une séance d’information sur le projet de loi, à huis clos, où ils n’ont eu droit qu’à des réponses convenues et non à une explication détaillée. Pour comble, ils n’ont même pas reçu le texte du projet de loi avant la fin de l’annonce par le premier ministre, de sorte que son interprétation des dispositions dominait le premier cycle de nouvelles sur le sujet. Les députés se sont vu offrir une séance d’information à la même heure, un vendredi, en plein pendant la période des questions. À cette heure-là, tous les députés à Ottawa avaient immanquablement un empêchement, ce qui montre à quel point les conservateurs tiennent à collaborer dans ce dossier parlementaire important.

La question qui se pose est celle-ci : pourquoi le gouvernement craint-il une saine surveillance et la possibilité d’améliorer le projet de loi C-51? Ce projet a été essentiellement expédié à la va-vite au lendemain des attentats d’octobre sur la Colline du Parlement et dans une Base des Forces canadiennes à St-Jean-sur-Richelieu. Il est fort possible qu’il contienne des erreurs ou qu’il mérite d’être clarifié, mais les conservateurs ne veulent rien entendre.

À cet égard, Ron Atkey, le tout premier président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS), affirme que le Parlement devra soigneusement examiner le projet de loi et que le financement du CSARS devra augmenter au rythme de l’inflation pour accroître la surveillance à la mesure des nouveaux pouvoirs que nous confions aux responsables de la sécurité. Cela va de soi si l’on a à cœur de préserver nos libertés fondamentales tout en recherchant ceux qui voudraient les attaquer. N’oubliez pas que l’espionnage contre nos propres citoyens n’a rien de nouveau : même Tommy Douglas a fait l’objet d’une telle surveillance à une époque bien antérieure à la création du CSARS.

La volonté de faire tout en notre pouvoir pour nous protéger contre la menace terroriste est claire et nette, mais on ne le croirait pas à entendre le premier ministre. Il ne suffit pas de nous dire de lui faire confiance et de lancer des ultimatums pour semer la division avant même que le débat ne s’amorce. Les mesures antiterroristes visent justement à défendre ce que nous avons travaillé fort à créer, et non à l’écarter parce que cette tâche plus vaste n’est pas aussi politiquement rentable. Dans ce domaine, les Canadiens méritent ce que le Parlement a de mieux à offrir et non le pire.

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