Comment le gouvernement atteindra-t-il l’équilibre budgétaire?
Les prix du pétrole baissant et entraînant avec eux la chute du dollar canadien, on se demande comment le gouvernement va pouvoir continuer de tabler sur un modeste excédent budgétaire. Malgré les indicateurs négatifs, il s’en tient à ses prévisions même s’il a repoussé le dépôt du budget vers la fin de la session parlementaire, ce qui montre que des ajustements sont en cours.
Ce qui n’arrange rien, c’est qu’un rapport publié cette semaine porte un dur coup à l’idée chère aux conservateurs que le fractionnement du revenu va profiter aux familles. Cette idée ne tient guère la route puisque environ 10 % seulement d’entre elles ont quelque chance de tirer un seul dollar de ce dispendieux programme. En fait, selon le rapport du Centre canadien de politiques alternatives, le fractionnement du revenu des couples ayant des enfants de moins de 18 ans va surtout profiter à ceux qui gagnent déjà plus que la majorité – ce que les détracteurs du programme n’ont cessé de dire.
Le CCPA confirme que ce sont les familles qui gagnent plus de 233 000 $ par an qui profiteront le plus du fractionnement du revenu alors que les familles de classe moyenne ont une chance sur deux d’en tirer ne serait-ce qu’un dollar. Le programme coûtera au fisc cette année 2,4 milliards de dollars et 2 milliards par an par la suite. C’est là beaucoup d’argent à donner à des Canadiens qui ne sont guère à plaindre financièrement. Comment dès lors le gouvernement atteindra-t-il l’équilibre budgétaire sans faire de compressions dans d’autres domaines?
Il y parviendra en augmentant les impôts et les frais à acquitter pour obtenir un passeport ou immigrer. Il ressort en effet de données communiquées au Parlement cette semaine que les changements qu’il a apportés au code fiscal lui rapporteront l’an prochain 3,4 milliards de dollars. Comme c’est sans compter les hausses de frais de service, inutile de chercher plus loin comment sera financé le fractionnement du revenu. On se trouve en fait à subventionner les familles bien nanties avec l’argent des autres.
Mais ces mesures suffiront-ils à combler le trou creusé par une économie au ralenti? Pas vraiment selon le directeur parlementaire du budget dont un rapport récent sur l’effet des prix du pétrole sur les recettes du gouvernement nous apprend que, au lieu de l’excédent prévu, le Canada enregistrera cette année un déficit de 400 millions de dollars. Et encore à condition d’utiliser la totalité du fonds mis de côté pour les mauvais jours – et selon la plupart des économistes, les mauvais jours sont là.
Les ministres conservateurs maintiennent tous qu’ils pourront équilibrer le budget cette année sans réduire les dépenses quoi qu’il arrive, tous sauf le ministre de l’Emploi, Jason Kenney, qui parle de maintenir le gel du budget des ministères et de sabrer dans les dépenses plutôt que de puiser dans le fonds de 3 milliards de dollars mis de côté pour les mauvais jours.
À vrai dire, le gouvernement s’est placé dans une situation difficile : après avoir annoncé qu’il accorderait un généreux fiscal aux Canadiens bien nantis, voilà que la baisse des prix du pétrole lui met un bâton dans les roues. Certes, le prix du pétrole n’est pas de son ressort, mais pourquoi punir la plupart des Canadiens en réduisant les impôts de quelques nantis dans l’espoir d’obtenir leurs votes?