Carol en contemplation “Outrage factice”
Presque tout le monde s’oppose vivement à la criminalité. Un sens de l’équité et la règle d’or sont à l’origine de cette position. En politique, se faire accuser d’avoir une attitude conciliante face au crime est une terrible attaque. Pour certains, il ne faut adopter rien de moins que la position d’un faucon. Cela suffit-il à excuser des erreurs dans la législation qui garantissent presque de difficiles contestations judiciaires? Est-ce suffisant d’avoir un titre tape-à-l’œil pour une loi sans substance?
À les entendre, les conservateurs luttent contre la criminalité, mais en creusant un peu, on constate qu’ils sont très négligents et adoptent des mesures législatives qui ne feront que créer des problèmes plus tard. Tout juste cet été, ils ont fait parvenir la mauvaise version d’un projet de loi au Sénat et ils lui ont également envoyé un projet de loi comportant des erreurs tellement graves qu’il donnera lieu à des contestations judiciaires plutôt à des condamnations. En dépit de ces problèmes, le Sénat a adopté les deux projets de loi plutôt que de les renvoyer à la Chambre des communes.
Voilà pour la chambre de second examen modéré et réfléchi! Nous voyons un peu plus clairement à quel point le bureau du premier ministre en tire les ficelles. Toutefois, l’entérinement d’office par le Sénat de ce que souhaite le gouvernement n’est qu’une partie du problème. Il est encore plus inquiétant de voir que le gouvernement se sert de sa majorité pour étouffer les critiques et tout effort visant à améliorer la législation. Il en résulte une culture de fermeture qui permet à des erreurs de se glisser et qui crée des lois inutilement faibles.
Les projets de loi sur la criminalité doivent être étanches. Ils peuvent changer à tout jamais la vie des gens et ils doivent permettre de faire ce pourquoi ils sont adoptés. Ce n’est pas le cas de ces projets de loi des conservateurs. Le premier projet de loi que le Sénat a adopté (celui dont la mauvaise version lui a été présentée) s’intitule Loi sur l’équité à l’égard des victimes et il est censé servir de charte des droits des victimes. Malheureusement, étant donné que des articles portant sur ces droits sont absents de la version qui a été débattue au Sénat, cette mesure législative porte un titre qui promet mais elle ne permet pas de passer à l’action. L’autre projet de loi porte sur les gangs et son libellé contient tellement de graves erreurs qu’il y aura presque assurément de vives contestations judiciaires plutôt que des condamnations relatives aux activités de recrutement des gangs.
Pourquoi le ministère de la Justice n’a-t-il pas repéré ces problèmes? C’est peut-être dû à son effectif réduit mais surchargé, mais c’est aussi à cause de la façon dont le gouvernement Harper recourt aux projets de loi d’initiative parlementaire pour exploiter les mesures de surveillance législatives comme la durée de l’examen d’un projet de loi en comité. Vous ne voudriez pas d’un projet de loi émanant d’un député pour présenter nos budgets, alors pourquoi ce genre de projets de loi détermineraient-ils à qui imposer une peine d’emprisonnement?
La réponse réside en grande partie dans le besoin des conservateurs de dénoncer un « monstre » lorsqu’ils veulent recueillir des fonds. Ils avaient l’habitude de s’en prendre à leurs adversaires au Parlement, mais comme ils commencent à avoir moins de munitions à leur endroit, ils choisissent maintenant comme repoussoir la Cour suprême. Il faut se demander s’ils adoptent des lois boiteuses dans l’espoir que la Cour suprême les retourne à la case départ. Aussi cynique que cela puisse paraître, c’est tout à fait possible.
En fin de compte, il faut que le ministre de la Sécurité publique et le ministère de la Justice rédigent nos lois de sorte qu’elles puissent protéger les Canadiens. Si le gouvernement veut toucher du bout des doigts aux véritables questions et mener une incessante campagne, il ne devrait pas le faire en paralysant les tribunaux avec des lois bancales ou incomplètes. Personne ne veut enhardir les criminels, mais tous ne sont pas aussi à l’aise que les conservateurs pour utiliser un tour de passe-passe législatif afin de répondre à leurs besoins avant ceux du public.