«Un projet de loi au nom trompeur» Députée Carol Hughes
Quand les conservateurs présentent une mesure législative, il semble que plus son contenu est controversé, plus il est susceptible de recevoir un nom souriant. À la lumière de cela, songez au potentiel du titre « Loi sur l’intégrité des élections ». Et ce faisant, rappelez-vous que les conservateurs ont passé la majeure partie de leur temps au pouvoir à combattre Élections Canada et à se défendre contre de nombreuses accusations d’infractions à la Loi électorale.
En 2008, la GRC a exécuté une descente au siège du Parti conservateur en lien avec des accusations selon lesquelles le Parti s’était servi des campagnes locales pour dissimuler le coût de la publicité nationale. En plus, il y a eu les appels automatisés pendant la campagne électorale de 2011, le dépassement du plafond des dépenses qui a annulé le résultat au Labrador, et, plus récemment, plusieurs accusations d’irrégularités financières contre la campagne de l’ancien secrétaire parlementaire du Premier ministre. Bien que tous les partis aient fait l’objet d’enquêtes de la part d’Élections Canada, en fait de nombre et de gravité, ce sont les conservateurs plus souvent que les autres.
Cela permet de comprendre pourquoi ils apportent des changements qui limiteront la capacité du directeur général des élections de faire des déclarations publiques, qui augmenteront les plafonds des dépenses tout en excluant les frais de collecte de fonds du plafond, et qui élimineront l’utilisation de répondants, un processus qui permet aux personnes n’ayant pas reçu de carte d’information de l’électeur de voter.
Les conservateurs veulent également accélérer le processus d’adoption du projet de loi et restreindre la possibilité pour les Canadiens d’exprimer leur avis pendant son étude en comité. Si cela vous paraît foncièrement antidémocratique, vous n’êtes pas seuls. Les néo-démocrates font tout leur possible pour faire prolonger les réunions de comité et en assurer la tenue dans toutes les régions du Canada. Les enjeux sont trop importants pour faire autrement, surtout quand le projet de loi a pour effet de conférer tous les avantages du terrain aux conservateurs.
On comprend aisément pourquoi les conservateurs veulent précipiter le processus. Si les Canadiens sont consultés, ils exprimeront sans doute haut et fort leur opposition à des mesures qui favorisent les conservateurs en augmentant les sommes que les donateurs nantis peuvent verser tout en rendant l’exercice du vote plus difficile pour ceux qui sont moins susceptibles de les appuyer. Il me paraît important de faire remarquer que si les conservateurs ont lancé une invitation générale pour obtenir les commentaires du public sur de nouvelles dispositions législatives en matière de prostitution, ils n’ont invité aucun commentaire sur ces changements.
La suppression de votes consiste à employer des stratégies pour influencer le résultat d’une élection en dissuadant ou en empêchant des personnes d’exercer leur droit de vote. Interdire le recours à un répondant aura un tel effet en empêchant un nombre disproportionné d’électeurs jeunes et démunis de voter – des groupes qui n’ont pas tendance à appuyer les conservateurs. Nous pourrions peut-être tirer une leçon de la lutte amère qu’ont vécue nos voisins américains en Pennsylvanie récemment dans un dossier très semblable. Si nous prenons la peine de l’entendre, le directeur juridique de l’American Civil Liberties Union de la Pennsylvanie nous met fermement en garde contre les modifications proposées dans la « Loi sur l’intégrité des élections ».
En plus, les changements proposés empêcheront Élections Canada de s’exprimer publiquement sur la démocratie et l’importance de voter, d’effectuer des recherches et de mobiliser les Canadiens dans le cadre de projets comme la Semaine de la démocratie et Vote étudiant. À l’heure où la participation électorale est en déclin, ça n’a pas de sens. Il n’est pas étonnant que le projet de loi ait reçu un nom souriant.