Carol en Contemplation “Le fléau de la pauvreté”

Députée d'Algoma-Manitoulin-Kapuskasing Carol Hughes

Nul n’ignore la forte corrélation entre pauvreté et longévité. C’est l’une des principales lacunes dans le raisonnement avancé par le gouvernement pour expliquer son intention de hausser l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse. Malheureusement, le gouvernement s’est servi de chiffres qui ont établi un lien entre l’espérance de vie de baby-boomers bien nantis et les besoins de personnes moins bien nanties et a abouti à une projection faussée pour justifier ses actions.

Les statistiques sur la pauvreté sont au cœur d’un rapport que l’Association médicale canadienne (AMC) a publié en juillet. Le rapport dit clairement que la pauvreté est le principal problème à régler pour améliorer la santé des Canadiens et éliminer les inégalités en matière de santé. Voilà qui n’augure rien de bon quand on sait qu’au Canada, l’écart entre riches et pauvres se creuse constamment, au fur et à mesure que la classe moyenne disparaît et que plus de gens se retrouvent avec un travail peu rémunéré, doté de peu d’avantages sociaux et sans fonds de pension.

Le rapport de l’AMC, intitulé Qu’est-ce qui nous rend malades?, laisse entendre qu’éliminer la pauvreté infantile contribuerait énormément à améliorer la santé de la population et que le pays pourrait en faire plus pour créer des conditions susceptibles d’améliorer les chances d’une personne d’être en santé. Les déterminants sociaux se rattachant à un tel objectif sont la pauvreté, le logement, le développement de la petite enfance ainsi que la sécurité alimentaire.

Si le refrain semble déjà bien connu, c’est parce qu’on a fait très peu pour rompre les schémas qui entraînent et entretiennent la pauvreté dans notre pays. Depuis 1990, c’est un fait bien établi, les Canadiens les plus riches ont accru leur part du revenu national total, tandis que la population de revenu faible et moyen a perdu du terrain.

Ce n’est pas une coïncidence si ce phénomène est apparu au moment où l’économie dite de « ruissellement », aux promesses trompeuses, a pris d’assaut la politique nord-américaine. Selon cette théorie, la richesse dans les tranches supérieures de la société devait « ruisseler » vers le bas et créer des occasions pour les moins nantis : les investissements des riches devaient entraîner des retombées pour tous. Non seulement la théorie n’a pas porté ses fruits, mais la déréglementation qui l’accompagnait a créé les conditions qui allaient aboutir à la crise économique mondiale dont nous ressentons encore aujourd’hui les contrecoups.

Le rapport de l’AMC fait observer qu’il n’existe pas de solution unique pour combattre la pauvreté et améliorer la santé. Il faudra un effort concerté de la part des fournisseurs de soins de santé, des gouvernements, des patients et des Canadiens de tous les horizons. Cela dit, le gouvernement fédéral a un rôle de premier plan à jouer en ce sens, puisqu’il est, outre l’intendant du régime de soins de santé universels, le principal voleur à la tire qui surimpose les Canadiens à moyen et faible revenu pour récompenser les riches en leur accordant des taux de complaisance et perpétuer le mythe de l’effet de ruissellement.

L’AMC recommande que l’on teste la méthode du revenu annuel garanti pour contrer la pauvreté par l’entremise d’un grand projet pilote, une idée qui mérite d’être soigneusement étudiée. Cependant, le gouvernement actuel risque peu de consentir à une telle approche, à moins que l’opinion publique ne lui force la main. Si d’autres voix viennent s’ajouter en nombre suffisant à celle de l’AMC, une véritable tentative pour faire reculer la pauvreté est inévitable. Voilà qui serait bon à la fois pour la santé et la démocratie des Canadiens.

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