HUGHES: Le tollé contre les projets de loi d’application du budget est attribuable à une liste de souhaits de l’industrie
Une demande d’accès à l’information présentée par Greenpeace a permis de prendre connaissance d’une lettre de l’industrie pétrolière et gazière adressée aux ministres de l’Environnement et des Ressources naturelles en décembre 2011 qui fait comprendre d’où vient une grande partie du contenu litigieux des projets de loi d’exécution du budget C-38 et C-45. Dans cette lettre, l’industrie précise les lois qu’elle veut voir modifiées afin de faciliter l’exploitation des sables bitumineux et l’exportation du bitume tiré de ceux-ci. Toute une réussite! Nous aimerions tous avoir pareille chance et voir nos vœux réalisés par le gouvernement.
La lettre provenait d’un groupe appelé Initiative de cadre énergétique, qui regroupe l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’Association canadienne de pipelines d’énergie, l’Institut canadien des produits pétroliers (aujourd’hui l’Association canadienne des carburants) et l’Association canadienne du gaz. Ce sont ces intervenants qui ont obtenu le plus de temps de rencontre avec le Cabinet du premier ministre en tant que lobbyistes. Il est scandaleux qu’un groupe dicte le plan d’action du gouvernement, mais ce n’est pas tellement étonnant.
Les auteurs de la lettre demandent que des modifications soient apportées aux lois suivantes : la Loi sur l’Office national de l’énergie; la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale; la Loi sur les pêches; la Loi sur la protection des eaux navigables; la Loi sur les espèces en péril; la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs.
À ceux qui suivent le dossier, sachez qu’un an après la réception de la lettre par les ministres, le groupe a obtenu presque tout ce qu’il réclamait dans les deux dernières lois d’exécution du budget. Il est décourageant d’apprendre que les lois dont le groupe souhaitait la modification, des lois conçues pour protéger l’intérêt public, y sont décrites comme nuisant à l’obtention de résultats raisonnables. L’industrie demande « la collaboration en matière de conservation afin d’atteindre des objectifs communs » [traduction].
Dans sa lettre, le groupe demande également que des progrès soient réalisés pour ce qui est de la responsabilité du gouvernement de consulter les Premières Nations en ce qui concerne les projets de développement des ressources au Canada. Compte tenu des postes budgétaires particuliers établis (sans consultation préalable) pour les Premières Nations et de diverses mesures législatives importantes qu’étudient la Chambre des communes et le Sénat et qui touchent les collectivités des Premières Nations, nous avons un aperçu des questions qui occuperont le pays cet hiver.
Il est scandaleux de constater que l’industrie pétrolière et gazière a obtenu ce qu’elle voulait et qu’elle l’a obtenu rapidement. Les questions qui préoccupent les Premières Nations devraient être examinées en prenant en compte les questions bien documentées avec lesquelles un trop grand nombre de leurs collectivités sont aux prises génération après génération. Les lettres adressées au gouvernement à cet égard sont innombrables, mais elles n’ont pas obtenu le même succès que cette seule lettre de l’industrie pétrolière et gazière.
Il est clair que le gouvernement travaille en collaboration avec une industrie en particulier. La valeur du bitume extrait des sables bitumineux n’est même pas maximisée étant donné que le produit est destiné à l’exportation dans sa forme brute. Compte tenu de ce qui précède, il est raisonnable d’affirmer que c’est à l’étranger que l’on profitera dans une large mesure des avantages économiques découlant de l’affaiblissement du processus de réglementation environnementale. Comme d’habitude, les Canadiens paieront presque tous les frais de transport. Au début de leur mandat, les conservateurs ont délibérément pris des mesures qui irritent la population dans l’espoir que l’électorat ne s’en souvienne pas au moment d’aller voter en 2015.