Carol en Contemplation…Les droits individuels
Avant de présenter une loi sur la surveillance, les conservateurs devraient tirer une leçon du scandale d’écoute électronique qui secoue actuellement la Grande-Bretagne
Il n’est pas facile de savoir quand les droits individuels revêtent vraiment de l’importance aux yeux du gouvernement conservateur. Si on se rappelle bien, les conservateurs ont libéré les citoyens de l’obligation de répondre au questionnaire détaillé de recensement en invoquant comme raison officielle la protection de la vie privée des Canadiens. Cette décision politique faisait apparemment suite à une seule plainte.
Or, les conservateurs envisagent maintenant de faire adopter une mesure législative qui permettrait à la police de surveiller tous les échanges courriels, tous les sites Web visités et toutes les activités en ligne, y compris la publication de commentaires sur Facebook. De plus, cette surveillance pourrait être effectuée sans mandat ni examen judiciaire.
Quelle conclusion faut-il tirer de cette volte-face? Le gouvernement a-t-il une tendance libertaire, comme semble l’indiquer sa décision à l’égard du recensement, ou une tendance autoritaire comme le porte à croire son intention de faire adopter des mesures de surveillance électronique à l’automne?
Malheureusement, nous sommes forcés de conclure que c’est la deuxième hypothèse qui correspond à la réalité. Cette conclusion ne se fonde pas uniquement sur la position du gouvernement à l’égard de la surveillance électronique mais également sur sa réticence à protéger les renseignements personnels des Canadiens, notamment lors de la modification de la Loi sur l’aéronautique qui a eu lieu lors de la dernière législature – sans oublier le rejet catégorique de toutes les préoccupations exprimées par les parlementaires de l’opposition au cours de ce débat.
Lorsqu’on examine les mesures législatives que le gouvernement souhaite faire adopter dans les cent premiers jours de la législature, on constate que les Canadiens seront exposés à une surveillance sans précédent. Nous effectuons toutes sortes de transactions et fournissons énormément de renseignements personnels au moyen du téléphone cellulaire et de l’ordinateur. Or, les nouvelles dispositions de la loi forceront les fournisseurs locaux de téléphonie cellulaire et d’Internet à espionner les Canadiens.
Le gouvernement a fait part de son intention d’intégrer des dispositions sur l’accès légal dans un projet de loi omnibus de lutte contre la criminalité qui sera présenté cet automne. Cependant, les experts en la matière affirment que cette mesure légalisera une surveillance généralisée des activités de monsieur et madame Tout-le-monde – sans aucun mandat. Les fournisseurs de service de télécommunications seront également tenus d’installer des logiciels pour permettre à la police de surveiller les activités en ligne et de téléphonie cellulaire de leurs clients.
Ce n’est pas un hasard si cette situation se présente au moment même où Rupert Murdoch a décidé de mettre fin à la publication du tabloïd News of the World parce que des journalistes ont piraté la boîte vocale de certains citoyens. Chaque jour, on voit tomber un nombre croissant d’allégations, d’accusations et de révélations susceptibles d’établir un lien direct entre les activités d’écoute électronique et le bureau de l’actuel premier ministre britannique, David Cameron. Par surcroît, au cœur même de ces allégations, on a découvert des liens entre les journalistes et la police. On voudrait croire que de telles pratiques n’ont pas cours au Canada; mais il ne suffit pas d’espérer, il faut prendre des mesures pour les prévenir.
S’il est vrai que le gouvernement prend de nombreuses mesures, il ne fait rien pour assurer la protection en ligne de la vie privée des Canadiens. Les néo-démocrates reconnaissent qu’il est nécessaire de mettre à jour les pouvoirs consentis à la police pour lui donner la latitude nécessaire en matière de technologie numérique, mais le fait de supprimer l’exigence de mandats ouvre la porte à toutes sortes d’abus de la part des autorités policières. Il va sans dire que nous avons énormément de respect pour les forces policières, mais on se fourvoie complètement si on croit qu’il ne devrait pas y avoir de mécanisme de protection – comme les mandats – pour protéger les renseignements personnels des citoyens. Mieux vaut prévenir les abus que d’être aux prises avec un scandale comme celui qui secoue actuellement la Grande-Bretagne. Pour ce qui est du recensement, personne ne sait exactement quelle information fiable le gouvernement ne souhaitait pas obtenir.