Déclaration du médecin-hygiéniste en chef – Vers un Ontario sans fumée
Un peu plus tôt aujourd’hui, le Groupe consultatif de la stratégie antitabac (GCSA) a publié un rapport très attendu sur l’orientation que devrait prendre l’Ontario en matière de lutte antitabac. Je tiens à féliciter le groupe consultatif pour son excellent travail et à réitérer ma conviction que nous devons poursuivre notre combat contre le tabagisme avec une vigueur et un engagement renouvelés. Si nous battons en retraite maintenant, nous perdrons une avance précieuse et risquons carrément de perdre la bataille.
Certes, les arguments qui militent en faveur de la lutte antitabac sont bien connus depuis de nombreuses années, mais on ne les redira jamais assez. Peut-être est-ce dû au fait que l’on nous répète depuis si longtemps les effets néfastes de la cigarette que nous n’y prêtons plus l’attention qu’ils méritent. Si la stratégie Ontario sans fumée a connu un succès considérable, il n’en demeure pas moins que plus deux millions d’Ontariennes et Ontariens continuent de fumer, et que chaque année, des milliers de nos jeunes commencent à s’adonner à ce vice.
Cette question représente une immense source de frustration dans le milieu de la santé publique car, lorsque vous la résumez à l’essentiel, il n’y a vraiment qu’une seule chose à retenir, c’est que le tabac tue. Ici même, en Ontario, le tabagisme constitue la principale cause de maladie et de décès évitables. Toutes les 40 minutes, le tabac coûte la vie à une personne dans notre province.
Et bien entendu, la cigarette ne tue pas uniquement les fumeurs eux-mêmes – elle peut également avoir une incidence mortelle sur leur famille et leurs amis. Les bébés dont les mamans fument pendant la grossesse présentent un risque accru, avant et après la naissance, de bon nombre de troubles de la santé, notamment d’une naissance prématurée, de mort subite du nourrisson et de troubles respiratoires, tels que l’asthme et une fonction pulmonaire réduite. La fumée secondaire indirecte contient plus de 50 éléments cancérigènes connus ou présumés, et près de trois mille décès y sont attribuables chaque année dans notre province.
Par ailleurs, les arguments économiques en faveur de la lutte antitabac sont tout aussi frappants que les facteurs humains. En Ontario, les maladies liées au tabagisme coûtent quelque 1,6 milliard de dollars par année à l’économie provinciale en frais directs de soins de santé, et entraînent des pertes de l’ordre de 4,4 milliards de dollars en termes de productivité. De plus, elles sont responsables chaque année de quelque 500 000 journées d’hospitalisation.
À mon sens, la complaisance constitue notre plus grand ennemi. Le tabac tue simplement en raison de notre inaction. La bataille contre le tabac est loin d’être gagnée, mais c’est d’autant plus une raison de redoubler d’efforts. Et bien que je m’abstiendrai de commenter les nombreuses recommandations du rapport du GCSA, je me permettrai cependant de soumettre à titre personnel deux observations à l’examen du gouvernement :
Nous ne pouvons gagner une bataille dans laquelle nous cessons d’investir. Il est compréhensible, surtout en période économique difficile, que les gouvernements envisagent de tailler dans les dépenses de certains programmes. Mais faire régresser la lutte antitabac en Ontario constituerait un choix malencontreux. L’unité de recherche sur le tabac en Ontario estime que pour chaque dollar investi dans la lutte contre le tabagisme, le gouvernement économise trois dollars en dépenses de santé. Nous devons en fait accroître ce financement, intensifier notre efforts afin de réduire la prévalence du tabagisme en diminuant le nombre de nouveaux fumeurs et en augmentant le nombre de personnes qui cessent de fumer. Et au final, ces investissements seront récompensés par une réduction des coûts liés aux soins de santé, une augmentation de la productivité, et une diminution du nombre de décès attribuables à des maladies évitables en Ontario.
Il nous faut adopter une approche intersectorielle, pangouvernementale et panontarienne. De toute évidence, si nous souhaitons connaître des résultats positifs soutenus en réduisant l’initiation au tabagisme chez les jeunes et en incitant à l’abandon du tabac, nous devons pouvoir compter sur la participation de tous. Il nous faut tabler sur un solide partenariat entre les organismes de santé publique et les fournisseurs de soins primaires, car ce sont eux qui évoluent sur le terrain, qui parlent aux Ontariennes et aux Ontariens, et qui sont le mieux en mesure de les influencer, de les aider et de les soutenir. Par ailleurs, de nombreux autres ministères que celui de la Promotion de la santé et des Sports ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre le tabagisme. Chaque ministère se doit de prendre cette question à cœur.
Les faits entourant le tabagisme sont indéniables. C’est une épidémie qui tue, qui rend malade, qui alourdit le système de santé, et qui nous coûte trop cher à tous. L’Ontario reconnaît depuis longtemps cette réalité et lutte depuis bien des années en vue de réduire la consommation de tabac. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons accompli jusqu’ici, mais tout cela est loin d’être suffisant. Il est maintenant temps de passer à la prochaine étape de notre stratégie de lutte antitabac en Ontario.
Dre Arlene King
Médecin hygiéniste en chef de l’Ontario